Récapitulatif
Bénédicte de Kersauson (UMICC) revient sur les enjeux, actions et priorités de l'UMICC pour structurer et professionnaliser l’influence.
Interview de Bénédicte de Kersauson, Déléguée Générale de l’UMICC,Union des Métiers de l’Influence et des Créateurs de Contenu
Pouvez-vous vous présenter et nous expliquer votre rôle au sein de l’UMICC ?
Je suis Bénédicte de Kersauson, Déléguée Générale de l’Union des Métiers de l’Influence et des Créateurs de Contenu (UMICC), le premier syndicat professionnel dédié aux métiers de l’influence en France. L’UMICC est une association qui défend et promeut les intérêts des professionnels du secteur, en particulier ceux des créateurs de contenu.
Au-delà de cet aspect économique, notre mission est aussi de promouvoir de bonnes pratiques pour assainir et professionnaliser l’influence. Nous voulons garantir une influence plus responsable et protectrice des audiences et des consommateurs.
Nos actions reposent sur deux leviers principaux : porter la voix unifiée d’un secteur économique et promouvoir une influence plus responsable. Nous portons des valeurs essentielles comme la responsabilité, la transparence et la confiance. Il est crucial que les relations entre créateurs, agences et marques soient construites sur un cadre respectueux des lois, avec un impact positif.
Enfin, nous valorisons la créativité. Il ne faudrait pas qu’à l’avenir les créateurs soient perçus comme de simples relais de vente, au détriment de leur singularité et de leur créativité. Or, l’essence même de l’influence réside dans cette capacité à innover et à engager une communauté. Les marques viennent chercher cette authenticité, et nous encourageons les agences et les créateurs à préserver cette dynamique.
Depuis sa création, quelles sont les grandes missions accomplies par l’UMICC ?
L’UMICC a été créée en réaction à un projet de loi visant à encadrer le secteur de l’influence. L’une des premières grandes victoires a été la participation aux échanges autour de cette loi de 2023, permettant de sensibiliser les pouvoirs publics, notamment le cabinet de Bruno Le Maire, sur la réalité des métiers de l’influence et l’importance de structurer ce secteur économique majeur.
Contribuer à l’article 1 de la loi, qui définit l’influence commerciale de manière inclusive, a été essentiel pour éviter de restreindre cette définition à un type précis d’acteurs. Ce cadre législatif vise à permettre un développement sain du secteur.
Un travail de clarification comptable a également été mené pour répondre aux zones d’ombre de la loi, notamment sur le traitement des avantages en nature comme le gifting, les voyages ou les frais nécessaires à l’activité des créateurs. Des discussions avec l’ADLF ont permis de définir un cadre clair, réduisant ainsi l’insécurité juridique pour les créateurs.
La publication de la Charte Éthique, il y a un an, constitue une autre avancée majeure. Rassemblant agences, créateurs, marques et plateformes, cette charte promeut des bonnes pratiques pour une influence commerciale plus responsable. Alors que l’influence commerciale ne représente que 6 % des ventes en ligne face à 94 % de contenu organique, fournir aux créateurs des outils pour exercer leur métier de manière éthique et efficace est essentiel. Cette charte, élaborée collectivement, sera actualisée en février avec la participation des marques souhaitant s’engager davantage.
En parallèle, des initiatives ont été lancées pour sensibiliser les marques et les former aux enjeux spécifiques du secteur. Ces actions abordent des thématiques telles que l’égalité hommes-femmes — sachant que 90 % des créateurs sont des femmes, souvent moins rémunérées que leurs homologues masculins — la cyberviolence, et la protection juridique des créateurs.
Quels sont les objectifs prioritaires de l’UMICC à horizon 2025 ?
Nos priorités sont multiples :
- Finaliser avec Bercy le régime fiscal et comptable de l’influence commerciale.
- Mise à jour des chartes UMICC avec renforcement des engagements sur les mineurs, mobilité durable, respect des animaux , jeux concours. »
- Élaboration d’une charte dédiée aux annonceurs, demandée par les marques elles-mêmes.
- Formation massive des 150 000 créateurs de contenu sur des sujets comme la lutte contre la désinformation, les fake news et l’usage responsable de leur liberté d’expression. Nous souhaitons notamment nous inspirer des techniques journalistiques pour mieux les armer face à ces enjeux.
- Renforcement de la reconnaissance des créateurs de contenu spécialisés « dans l’information (comme Hugo Décrypte et gaspard_g). «
- Plaidoyer pour un modèle économique équilibré : nous voulons que la « creator economy » ne soit pas uniquement tournée vers les marques. En diversifiant leurs sources de revenus, les créateurs gagneront en indépendance et en exigence, ce qui bénéficiera à l’ensemble du secteur.
- Encouragement des collaborations sur le long terme, pour sortir d’un modèle où les créateurs sont perçus comme de simples prestataires de contenu.
Quels sont les principaux défis à venir pour la régulation de l’influence et les pratiques des marques ?
L’un des défis majeurs concerne le modèle économique des créateurs. Il est crucial que la France puisse structurer une création numérique pérenne, où les marques ont leur place, mais dans un cadre régulé. Il ne faut pas que l’influence devienne un secteur sauvage où tout le monde peut s’improviser créateur sans cadre professionnel.
Un autre enjeu est la réglementation européenne, une harmonisation des règles est indispensable. Nous avons d’ailleurs initié la création de EIMA (european influence marketing alliance eimalliance.org) pour travailler sur des standards communs.
Enfin, un sujet émergent est l’IA et le droit d’auteur. L’essor de l’intelligence artificielle soulève de nombreuses questions éthiques et juridiques, notamment sur l’exploitation sauvage d’œuvres existantes. Nous devons anticiper ces évolutions et proposer un cadre réglementaire adapté.
Comment envisagez-vous la collaboration entre les marques et l’UMICC pour encourager des pratiques plus responsables ?
De nombreuses marques soutiennent l’UMICC car elles ne veulent plus d’une influence marketing anarchique. Elles souhaitent structurer leurs pratiques et challenger leurs agences.
Certaines marques vont plus loin en proposant des initiatives concrètes, comme la Charte Annonceurs, qui sera bientôt publiée. Elles veulent s’engager sur des enjeux tels que l’égalité salariale, la protection des créateurs contre la cyberviolence et la mise en place d’un cadre contractuel plus équitable.
Nous avons par exemple travaillé avec BNP Paribas sur un programme de sensibilisation pour aider les créatrices à mieux gérer leur carrière et leurs finances.
Comment voyez-vous l’évolution des indicateurs de performance dans les campagnes d’influence ? Quels conseils donneriez-vous aux marques pour optimiser leurs résultats ?
Aujourd’hui, les marques se fient beaucoup aux technologies d’évaluation des performances des créateurs. Or, ces outils sont très fluctuants selon les plateformes, ce qui peut biaiser l’analyse.
Elles doivent comprendre que l’influence n’est pas un simple levier publicitaire avec des KPI stricts. La réussite d’une campagne repose avant tout sur le bon matching avec le créateur, la pertinence du message et l’engagement de la communauté.
Trop souvent, les marques veulent être sur une plateforme sans vraiment comprendre son fonctionnement. Il y a une vraie marge de progression sur la connaissance des plateformes comme TikTok ou Instagram. Nous voulons aider les marques à mieux maîtriser ces outils pour qu’elles puissent collaborer avec les créateurs de manière plus efficace et respectueuse.
Enfin, nous mettons à disposition des modèles de contrats qui garantissent des collaborations équilibrées entre marques et créateurs. La professionnalisation du secteur passe aussi par ces outils.